L'essentiel

    Lors de toute consultation avec un adolescent :
  • proposer une ouverture lors de l’exposé du motif par une allusion : « oui, mais encore… ?
  • prendre en compte le rôle du tiers et si besoin rester seul avec l’adolescent.
  • évoquer systématiquement le caractère de confidentialité de la consultation;
  • commenter l’examen clinique pendant sa réalisation en suscitant un échange;
  • dépister le mal-être avec le « BITS Test » .
    Lorsqu’un mal-être est dépisté :
  • confronter les points de vue et savoir reformuler;
  • renforcer le lien par l’utilisation d’outils relationnels
  • fixer un rendez-vous dans un délai inversement proportionnel à la gravité de la situation
  • orienter éventuellement vers le dispositif spécialisé.

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Exprimer la disponibilité envers l’adolescent

1) L’accueil

L’accueil est primordial et commence dès l’entrée dans le cabinet. Il est important pour l’adolescent de se trouver dans un environnement convivial d’autant plus que le temps d’attente est particulièrement redouté par les jeunes en difficultés. Des affiches ou des brochures concernant les adolescents, en salle d’attente, peuvent déjà être un moyen de signifier sa disponibilité, mais cela peut aussi en rebuter certains. Lors de la rencontre dans le bureau du médecin, si l’adolescent est accompagné, il convient de s’adresser en premier à celui qui a pris l’initiative de la consultation, cela met plus à l’aise l’ado qui craint le plus souvent d’être mis en avant. Son point de vue sera sollicité ensuite avec une attitude montrant l’intérêt donné à son expression. Si le médecin en ressent la nécessité, il fait sortir le tiers sur sa propre initiative. En effet demander son avis à l’ado risque de le mettre en conflit de loyauté : loyauté envers son désir d’être seul et celui de ne pas « rejeter » l’accompagnant.

2) Privilégier l’expression de l’adolescent

L'objectif est d'aménager une consultation dans le confort et la sécurité pour faciliter l’expression personnelle et la prise d’autonomie. De nombreuses attitudes sont possibles, qu'elles soient verbales ou non verbales. Il est important de noter qu'expliciter cette attitude générale au tiers est toujours positif. Il ne faut pas oublier que l’adolescent est toujours partagé entre le besoin d’être autonome et le désir d’être protégé par ses parents.

      En pratique :
  • Adopter une posture d'ouverture (regard et gestes) tournée vers l'adolescent : l'adolescent est plus sensible aux attitudes et comportements qu'au raisonnement tenu.
  • Pratiquer la reformulation : elle consolide l'échange et renforce l'engagement de chacun.
  • Utiliser un langage propre à l’adolescent : utiliser des mots compréhensibles, poser des questions ouvertes, être patient (l’adolescent a besoin de temps pour se confier), écouter plus que l’on ne parle mais au bon moment, car l’ado est mal à l’aise dans le silence.
  • Faire le commentaire oral durant l'examen clinique en suscitant un échange.

La réalisation de l’examen clinique est un moment où l'adolescent est particulièrement attentif. C'est un temps très spécifique de la médecine générale et qui nécessite une attention particulière. Il s'agit de dépasser le simple recueil de données pour contribuer à familiariser l’adolescent avec son corps et son évolution. Même avec un adolescent très pudique, cette approche corporelle, parce qu'elle souligne aussi ce qui va bien, participe à l’augmentation de l’estime de soi.

3) S’ouvrir au-delà du motif

Si la demande spontanée est faible, les entretiens engendrés une fois la démarche et la confiance installées peuvent être durables. L'objectif est de diminuer la réserve de l'adolescent de parler de ce qui le préoccupe vraiment.

    En pratique :
  • Maintenir un lien visuel et éviter d’être dérangé;
  • Lors de l'exposé du motif, et après un court temps de silence, proposer une ouverture par une allusion du type : « à part ça", "oui, mais encore » (Cette méthode multiplie au moins par quatre la fréquence d'abord de questions psy lors de motifs de consultation non psy).
4) Maintenir le lien

Cela signifie à l’adolescent que le médecin s’engage dans une relation de suivi à long terme et qu’il est disponible pour le recevoir une nouvelle fois. Cette attitude favorise l’autonomisation de l’adolescent qui sera plus à l’aise pour revenir seul. Enfin, en s’engageant sur la durée, des actes de prévention peuvent se mettre en place.

    En pratique :
  • Donner sa carte de visite ou ses coordonnées au patient;
  • Fixer avec lui proposer un nouveau rendez-vous.

Gagner la confiance de l’adolescent

1) La place du tiers

    En présence de tiers, s’interroger sur la nature de la demande et la configuration des présences.L'objectif est d’abord de percevoir au mieux la situation qui se présente. Pour cela, il existe deux signes cliniques de grande valeur :
  • L’attitude même du tiers. Elle renseigne sur le type de liens

Le ressenti de cette présence par le médecin. Les sentiments subjectifs se doivent d'être "écoutés" ils sont d’un grand intérêt car ils perçoivent des discordances ou des cohérent très discrètes mais bien symptomatiques.

Le second objectif est de s’interroger sur l’opportunité de la présence du tiers, de donner son avis de médecin clinicien sur cette situation et de proposer un moment de confidentialité à l’adolescent avec l’accord du tiers. En effet, le médecin n’a rien à craindre d’un éventuel déni.

En pratique :
    Des interrogations intérieures indispensables :
  • Qui souffre ? qui demande quoi et pour qui ? Cela inclue les consultants et leur manière d’être présent mais aussi celui ou celle qui a appelé, ou les absents qui devaient être présents.
  • Cette configuration de présences me parait-elle adaptée ? On notera que le C umul, la P récocité, l’I ntensité, la R épétitivité et le caractère Excluant de la prise de parole du tiers évoquent le niveau d’influence qu’il exerce. C'est repérer le "C.P.I.R.E"
  • Suis-je à l’aise avec cette configuration ? Cela amène à s’interroger sur son implication éventuelle de médecin dans une alliance demandée de façon plus ou moins explicite par l‘un des consultants. En toutes circonstances, il est important de ne jamais laisser s'installer un malaise. Il faut pour cela ne pas attendre pour intervenir afin de cadrer la consultation.
  • Saisir une occasion pour proposer une consultation sans tiers : La proposition de consultation sans tiers doit être exprimée au cours du suivi d’un adolescent. Elle est cependant à déterminer selon le niveau de maturité de l’adolescent. Attention cependant, d'une part la maturité physiologique est plus liée au stade de Tanner (signes pubertaires) qu’à l’âge légal, d'autre part la maturité psychique varie fortement selon l’histoire personnelle et relationnelle. Comme évoqué précédemment, le médecin décide sans demander son avis à l’adolescent afin de ne pas le mettre en porte à faux vis-à-vis de son accompagnant.
  • L'occasion du passage des 16 ans permet de formaliser la proposition de choisir son médecin traitant comme étape symbolique d’autonomisation et d'indiquer l'intérêt et la nécessité de consulter seul.

2) Tutoiement, vouvoiement

Le tutoiement est témoin d’une proximité mais il faudra veiller à ce qu’il ne devienne pas infantilisant. Pour cela, il convient de l’utiliser avec respect.

Le vouvoiement est lui plutôt témoin de respect. Son risque étant la distance ou un sentiment d’indifférence à l’égard de l’adolescent.

La seule règle impérative est de convenir rapidement du mode choisi avec l’intéressé.

    En pratique :
  • De prime abord, n’utiliser le « tu » que chez les adolescents que l’on connait déjà;
  • Utiliser initialement le « vous » chez les adolescents non connus;
  • Leur demander rapidement s’ils préfèrent être vouvoyés ou tutoyés.
  • Le passage du « tu » au « vous » doit être précautionneux et doit avoir un sens pour ne pas rompre le lien : soit suite à un accord avec le patient, soit lors d’un évènement de vie symbolique (anniversaire, premier emploi, diplôme, …).
3) Exprimer le caractère de confidentialité

Préciser le cadre légal de confidentialité à l’adolescent et à son accompagnant afin de favoriser son expression. Il est souvent mal connu et l’ado reste méfiant.

Placer le BITS TEST

L'objectif est de glaner suffisamment d'éléments anodins pour que le médecin se permette d'aborder directement l'existence d'antécédents suicidaires ou de mal-être profond.

Références :

McPherson A. Adolescents in primary care. BMJ. 26 févr 2005;330(7489):465‑7.

Binder P, Caron C, Jouhet V, Marcelli D, Ingrand P. Adolescents consulting a GP accompanied by a third party: comparative analysis of representations and how they evolve through consultation. Fam Pract. oct 2010;27(5):556‑62.

Coker TR, Sareen HG, Chung PJ, Kennedy DP, Weidmer BA, Schuster MA. Improving Access to and Utilization of Adolescent Preventive Health Care: The Perspectives of Adolescents and Parents. J Adolesc Health. août 2010;47(2):133‑42.

Binder P. Comment aborder l’adolescent en médecine générale ? La Revue du Praticien, médecine générale, 2005 ; tome 55, n° 10 : p. 1073.

Karrer M, Buttet P, Vincent I, « Comment pratiquer l'éducation pour la santé en médecine générale ou en pharmacie ? Résultats d'une expérimentation auprès de femmes enceintes, d'adolescents et de personnes âgées », Santé Publique, 1/2008 (Vol. 20), p. 69-80

Entre Nous : comment initier et mettre en œuvre une démarche d’éducation pour la santé avec un adolescent, INPES 2009.