L'essentiel

- Les idées suicidaires ne concernent pas plus d’un tiers des adolescents mais leur récurrence impacte le développement et influence leur vie d’adulte. - Le suicide est une des deux premières causes de mortalité des adolescents. - Les filles font beaucoup plus de tentatives de suicide que les garçons. - La mortalité par suicide est rare, elle atteint plus souvent les garçons que les filles. - Un adolescent consultant fréquemment pour diverses plaintes douloureuses doit alerter le médecin sur un mal-être et faire rechercher des problématiques suicidaires.

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Le suicide chez les jeunes : quelle fréquence ?

Environ 600 décès par suicide annuellement sont recensés chez les moins de 25 ans, dont moins de 1% survenant chez les moins de 15 ans. Ce chiffre sous-estime l’importance du phénomène en raison de l’absence d’enregistrement systématique. Le suicide est la première cause de mortalité chez les filles de 15-19 ans dans le monde (Patton 2009), la troisième chez les jeunes aux USA, et la seconde en Europe, (Hawton 2012). En France, le taux de suicide pour 100 000 adolescents âgés de 15 à 19 ans est de 5,8 pour les garçons et 2,3 pour les filles (de Tournemire 2010). Les idées de suicide (IS) et les tentatives (TS) sont beaucoup plus fréquentes que les suicides. Dans la tranche d'âge le 15-16 ans, le taux moyen observé en Europe est plus élevé : 10,5% (Kokkevi 2012). C'est aussi l'âge du taux maximal d'hospitalisation des femmes pour TS en France. Il a augmenté et atteint 48/1000 en 2007 (Chan-Chee 2011). La moitié des TS sont hospitalisées, mais 1/3 des suicidants n’ont pas eu recours au système de santé après leur acte. Les TS sont rarement suivies d’un décès. Mais le nombre de morts violentes augmente significativement après la TS et quadruple chez ceux qui récidivent. (Christiansen). A long terme, les jeunes suicidants présentent à l'âge adulte plus de problèmes que les non suicidants : des problèmes mentaux chroniques, des actes de violences, une désinsertion sociale mais aussi plus de pathologies organiques comme les syndromes inflammatoires et métaboliques (Goldman-Mellor).

Quels signes avant-coureurs pour le médecin ?

Les adolescents se plaignant de douleurs à répétitions ont significativement plus d’idées suicidaires et des comportements de tentatives de suicide. Leurs plaintes principales concernent des céphalées, des douleurs abdominales, des douleurs lombaires ainsi que des douleurs cervicales. L’augmentation du risque suicidaire est plus importante lors de plainte de céphalées à répétition. A l’adolescence, les douleurs chroniques sont rarement à l’origine d’une souffrance psychologique entrainant des idéations suicidaires. Il s’agit le plus souvent de labilité émotionnelle qui entraine des somatisations.

Quel vécu pour le suicidant ?

Selon une méta-synthèse de Lachal et al, le vécu interpersonnel et individuel de l’adolescent et du jeune suicidant est le reflet de processus internes aboutissant à l’acte suicidaire.
    Sur le plan interpersonnel et relationnel :
  • Présence d’un sentiment de rejet et de différence souvent en lien avec des situations physiques de brimades ou de discrimination.
  • Sentiment d’incompréhension et de ne pas être écouté, menant à favoriser une attitude empathique et d’écoute de la part de tout soignant au contact de jeunes à risques.
  • Présence d’une distance relationnelle et de conflit entrainant l’apparition d’idées suicidaires et témoignant que le processus thérapeutique nécessite donc un rapprochement de l’adolescent et de son entourage.
    Sur le plan individuel :
  • Vécu de dépressivité et de souffrance souvent en lien avec un sentiment d’échec.
  • Perte du contrôle de soi avec comme seul issu l‘acte suicidaire afin de se libérer de ses tensions.
  • Une perception de soi négative à type de honte, de culpabilité ou de colère.
Ce vécu encourage les situations d’empathie et d’écoute avec l’adolescent à risque et met en évidence l’importance de recréer des connexions entre le jeune et son entourage.

Illustration du phénomène :

Une étude effectuée auprès de 3800 élèves de 3° et de 2° permet d’illustrer schématiquement les proportions de jeunes aux idées ou actes suicidaires ainsi que de prendre conscience de leur comportement vis-à-vis de ces comportements.

Suicidaires et suicidants :
répartition dans la population des jeunes de 3ème et de 2nde
Suicidaires et suicidants : répartition dans la population des jeunes de 3ème et de 2nde
Expression des IS chez les suicidants et les non-suicidants
Expression des IS chez les suicidants et les non-suicidants
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1. Qu'elle est la proportion de ceux qui en parlent ?

2. À qui en parlent-ils ?

Qu'elle est la proportion de ceux qui en parlent ?

Le risque de décès

50 % des décès ont lieu hors d’une dépression cliniquement décelable.

Mortalité
La mortalité toutes causes confondues est x 7 supérieur dans les 10 ans qui suivent une TS
Comportements des suicidants suite à leur acte
La répartition des décès est différente selon le sexe
Attitude des suicidants suite à leur acte
Cliquez sur l'une des phrases ci dessous pour afficher le schéma correspondant.

1. Attitude des suicidants suite à leur acte

2. Auprès de qui ont-ils consulté ?

3. Les récidivistes consultent-ils plus souvent ?

4. Profil des récidivistes selon leur lieu de consultation

Références :

Le suicide des jeunes en France, Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire, janvier 2015

J. Koenig, R. Oelkers-Ax, P. Parzer, J. Haffner, R. Brunner, F. Resch, et al., The association of self-injurious behaviour and suicide attempts with recurrent idiopathic pain in adolescents: evidence from a population-based study, Child Adolesc. Psychiatr. Ment. Health, 9 (2015), p. 32

Goldman-Mellor SJ, Caspi A, Harrington H et al. Suicide attempt in young people: a signal for long-term health care and social needs. JAMA psychiatry 2014 ; 71 : 119-27

Binder Ph. Les adolescents suicidants non pris en charge pour leur acte sont-ils différents des autres ? Enquête auprès de 3 800 adolescents. La Revue du praticien Médecine Générale 2001 ; 15 (545 : 1507-12).

Patton GC, Coffey C, Sawyer SM, M Viner R, M Haller D, Boseet K er al. Global patterns of mortality in young people: a systematic analysis of population health data. Lancet. 2009 Sep 12; 374: 881-92.

Hawton K, Saunders KE, O'Connor RC. Self-harm and suicide in adolescents. Lancet. 2012 Jun 23;379(9834):2373-82.

De Tournemire R. Suicides et tentatives de suicide à l’adolescence. « Données épidémiologiques : comment s’y retrouver ? ». Arch Pédiatr. 2010 ;17(8):1202 9.

Kokkevi A, Rotsika V, Arapaki A, Richardson C. Adolescents' self-reported suicide attempts, self-harm thoughts and their correlates across 17 European countries. J Child Psychol Psychiatry. 2012 Apr ;53(4):381-9.

Chan-Chee C. Hospitalisations pour tentatives de suicide entre 2004 et 2007 en France métropolitaine. Analyse du PMSI MCO. Bull Epidemiol Hebd 2011 ; 47–48:492–496.

Christiansen E, Jensen BF. Risk of repetition of suicide attempt, suicide or all deaths after an episode of attempted suicide: a register-based survival analysis. Aust N Z J Psychiatry. 2007 Mar;41(3):257-65.

Patton GC, Coffey C, Romaniuk H, et al. The prognosis of common mental disorders in adolescents: a 14-year prospective cohort study. Lancet 2014; 383: 1404–1411.

Lachal J, Orri M, Sibeoni J, Moro MR, Revah-Levy A. Metasynthesis of youth suicidal behaviours: perspectives of youth, parents, and health care professionals. PLoS One. 2015 May 22;10(5)